Une Dupont dépendance qui fait stagner le XV de France

Une Dupont dépendance qui fait stagner le XV de France

Nico Par Nico

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Le début du Tournoi des Six Nations met en lumière une réalité déjà bien connue : Antoine Dupont est au centre du projet de jeu du XV de France. Si son talent exceptionnel justifie cette importance, certains observateurs s’interrogent sur les conséquences de cette "Dupont-dépendance" pour l’animation offensive des Bleus.

Un joueur incontournable dans le système de Galthié

Lors du match contre l’Angleterre à Twickenham, Dupont a une nouvelle fois disputé l’intégralité de la rencontre, un fait presque habituel pour lui. À moins d’un match totalement plié, comme contre le Pays de Galles (43-0), d’une expulsion (face à l’Afrique du Sud en 2022) ou d’une blessure (contre la Namibie en Coupe du monde), il est un élément indispensable du système mis en place par Fabien Galthié. Depuis le début du mandat du sélectionneur, il joue en moyenne 73 minutes par match, un chiffre qui témoigne de son rôle clé.

Face aux Anglais, Nolann Le Garrec est entré à la 67ᵉ minute, mais c’est Matthieu Jalibert qui a quitté le terrain. Dupont a alors glissé au poste d’ouvreur, un repositionnement qui a porté ses fruits puisque c’est lui qui a amorcé l’action menant à l’essai de Louis Bielle-Biarrey à la 75ᵉ minute.

Antoine Dupont, star des Bleus, face à un dilemme similaire à celui de Mbappé. Guy Novès s'exprime sur cette dépendance tactique. ⚽️
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— le10sport (@le10sport) February 10, 2025

Une dépendance logique, mais problématique ?

Cette "Dupont-dépendance" n’est pas une découverte. L’an dernier, son absence dans le Tournoi avait déjà mis en évidence son rôle crucial. Son influence est logique, compte tenu de son talent et de la position stratégique du demi de mêlée. Mais cette omniprésence soulève des débats, notamment après une défaite.

L’ancien sélectionneur Guy Novès compare cette attente constante autour de Dupont à celle suscitée par Kylian Mbappé en football :

« J’ai rarement vu un joueur du niveau d’Antoine. On attend qu’il soit le meilleur tout le temps. C’est un mal français. On pense qu’il doit tout faire : partir seul, être présent en défense, en attaque, réussir toutes ses passes, ne jamais rater une réception… »

Cette omniprésence influence le jeu offensif des Bleus, souvent construit autour de ses décisions. Contre le Pays de Galles, les avants ont souvent cherché à jouer rapidement autour de lui avant d’exploiter des espaces sur les extérieurs grâce à ses passes longues ou son jeu au pied. Ce système réduit cependant l’initiative de l’ouvreur Romain Ntamack, ce qui peut poser question.

Un système offensif structuré autour de Dupont

Patrick Arlettaz, entraîneur de l’attaque du XV de France, expliquait récemment que le jeu des Bleus resterait probablement le même sans Dupont, grâce à la puissance du pack tricolore. Mais il reconnaît également que le joueur magnifie ce système :

« On essaie de lui donner un maximum de solutions avec des cellules d’avants autour de lui et de l’ouvreur. Il peut ainsi choisir de jouer dans l’axe ou sur les extérieurs. Sa capacité à faire des différences, que ce soit par l’intelligence de ses choix ou ses qualités individuelles, est essentielle. »

Face à l’Angleterre, 75 % des passes de Dupont (48 sur 63) ont été dirigées vers du jeu axial, mais on a observé davantage d’alternance, notamment avec Matthieu Jalibert (10 passes entre eux). Cette volonté de varier le jeu a bien fonctionné sur l’essai de Damian Penaud à la 61ᵉ minute, mais les maladresses françaises ont freiné d’autres opportunités offensives.

Un jeu en transition encore fragile

Selon l’ancien sélectionneur Pierre Berbizier, le manque de repères offensifs des Bleus peut expliquer ces fautes techniques. L’équipe a longtemps basé son jeu sur la dépossession et un rôle central donné au numéro 9, ce qui peut expliquer un certain manque d’automatismes lorsqu’elle s’en éloigne :

« Ce premier match ne nous a pas préparés stratégiquement pour affronter l’Angleterre. Moins jouer autour des rucks signifie aussi s’éloigner de Dupont, mais cela demande une maîtrise qu’on ne travaille pas assez. »

L’ancien international Cédric Heymans souligne également la stratégie défensive efficace des Anglais, qui ont fermé les espaces habituels de Dupont plutôt que de le cibler individuellement :

« Ils ont mis une énorme pression sur ses relais directs. Peu d’avants ont réussi à avancer, sauf Meafou. La question du manque de solutions dès qu’on s’éloigne du jeu au près se pose, d’autant qu’on utilise moins les lancements de jeu en première main. Mais sans toutes ces fautes de main, on se poserait peut-être moins la question… »

Antoine Dupont ne veut pas baisser les bras et vise encore la victoire finale 💪#ANGFRA #Rugby pic.twitter.com/Bzj3BKLsJt

— RugbyPass FR 🇫🇷 (@RugbyPass_FR) February 9, 2025

Quelle évolution pour le jeu des Bleus ?

Si Antoine Dupont reste un atout exceptionnel, son omniprésence pose la question de la diversification des options offensives françaises. La capacité du XV de France à mieux intégrer ses ouvreurs et à alléger la charge sur son demi de mêlée pourrait être un facteur clé pour éviter d’être trop prévisible face aux grandes nations du rugby.

Ce Tournoi des Six Nations pourrait être l’occasion de tester d’autres schémas, mais une chose est sûre : tant qu’Antoine Dupont sera sur le terrain, il restera le maître à jouer des Bleus.

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